Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne, Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit. Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Et le jour pour moi sera comme la nuit. Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres, Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux; Maintenant que je suis sous les branches des arbres, Et que je puis songer à la beauté des cieux. Maintenant qu'attendri par ces divins spectacles Plaines, rochers, forêts, vallons, fleuves argentés, Voyant ma petitesse et voyant vos miracles, Je reprends ma raison devant l'immensité. Nous ne voyons jamais qu'un seul coté des choses; L'autre plonge en la nuit d'un mystère effrayant. L'homme subit le joug sans connaitre les causes. Tout ce qu'il voit est court, inutile et fuyant. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et, quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx et de bruyère en fleur. Nous ne voyons jamais qu'un seul coté des choses; L'autre plonge en la nuit d'un mystère effrayant. L'homme subit le joug sans connaitre les causes. Tout ce qu'il voit est court, inutile et fuyant.